Oublie-moi
J’entends la porte et mon cœur se ressert au fond de sa cage. Il m’appelle mais je ne réponds pas. Je l’imagine en train de regarder dans toutes les pièces de l’appartement. Ses pas se rapprochent et je prie pour que Dieu me donne assez de force pour faire ce qui doit être fait. Il arrive enfin dans la chambre où je suis en train de terminer mes bagages. J’ai deux énormes valises et un grand carton. Je lui laisse les cadres avec des photos de nous. Je n’ai pas besoin de souvenirs de lui. Je sais que, lorsqu’il m’a vue refermer mon placard à présent vide, il a compris. Il cherche quelque chose à dire et je pourrais jurer que le chagrin lui bloque la gorge. Je fais un pas vers lui, tendant une main comme pour le prendre dans mes bras.
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– Je suis désolée. Je ne voulais pas que tu l’apprennes comme ça. J’allais partir avant que tu rentres mais je ne m’étais pas rendue compte que j’aurais autant d’affaires à emballer.
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– Mais enfin, pourquoi veux-tu partir ? C’est quelque chose que j’ai fait ? Que je n’ai pas fait ?
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– Mais non ! Ce n’est pas de ta faute. C’est juste que…
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– Que quoi ?
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– Je dois partir pour que tu sois libre d’avoir une famille. Tes parents, ton frère et tes sœurs, ils t’aiment plus que tout. Je ne veux pas empêcher cet amour.
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– Je ne vois pas le rapport avec ma famille.
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– La fois où ta famille a fait cette petite réunion, tu sais. Le grand débat à mon sujet : « On la garde ou pas ? ». J’ai tout entendu. Je me souviens de beaucoup de points négatifs : « Elle voyage beaucoup, elle ne pourra jamais s’occuper d’une famille, tu mérites mieux qu’elle, elle est trop coincée… »
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– Tu sais bien que je t’aime et qu’aucun membre de ma famille ne peut changer ça. Je te choisirai toujours avant eux.
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– Justement ! Si tu me suis, tu les pousses encore et encore plus loin. J’ai grandi dans un orphelinat, sans une famille qui m’aimait comme la tienne t’aime. Je suis vraiment désolée mais je ne veux pas tout gâcher.
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– Je t’en prie. Reste.
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– Désolée.
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Je ramasse mon carton, le dépose sur une des mes valises. Je passe devant lui avec toutes mes affaires. Il me supplie encore une fois. Je franchis le seuil de la porte, pose mes bagages et je me retourne. Je cours jusqu’à la chambre où il se trouve toujours et je l’embrasse une dernière fois, avant de partir. Une larme coule sur ma joue. Je me recule et je glisse dans la poche de sa chemise le mot que j’ai préparé tout à l’heure. Je claque la porte derrière moi et j’appelle l’ascenseur. Ma vue est brouillée par les larmes. Je me dirige vers ma voiture et sans me retourner, je mets en route le moteur et je m’éloigne en pleurant. Pendant ce temps, il sort le bout de papier que j’ai laissé dans sa poche et il peut y lire :
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« Tu es la meilleure chose qui me soit arrivée. Je t’aime. Oublie-moi. »
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Pour Laura Lalarme.
Louise Salle
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