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Et encore

Elle se redresse lentement. Assise sur le lit, elle tend son bras pour attraper la télécommande de la radio.

La musique se fait entendre, elle monte le son puis repose la télécommande. Elle sort ses jambes de sous la couette. Elle enfile des chaussons et se dirige vers la porte. La radio est toujours allumée. Elle passe par les toilettes puis avance vers la salle de bain. Elle se déshabille et avant de rentrer dans la douche, elle presse le bouton ON de la petite radio bleue. Le bruit de l’eau et le son de la musique remplissent l’endroit. Au bout de quelques minutes, elle ressort de la douche, met un peignoir et quitte la pièce, après avoir pressé le bouton OFF de la petite radio bleue. On entend toujours de la musique, provenant de la chambre. Elle entre dans la cuisine et enclenche la machine à café. Pour couvrir le bruit de celle-ci, elle allume le poste de radio et augmente le volume. Elle récupère la tasse fumante et s’assoit devant le comptoir. Elle baisse légèrement le son. Ses yeux fermés, elle sirote le café. Elle ne les rouvre qu’une fois la tasse vidée. Elle coupe la musique et retourne dans la chambre. Elle ouvre la grande armoire et s’assoit sur le lit. Elle reste immobile un instant. Puis elle sort une robe, une paire de collants et des sous-vêtements qu’elle enfile immédiatement. Elle se regarde dans le miroir et analyse chaque détail de la tenue. Elle se penche pour saisir une paire de chaussures à essayer. Elle sourit. Elle se déplace jusqu’à la petite table de maquillage, utilise une ou deux brosses, met une touche de mascara et hydrate ses lèvres. Enfin, elle se parfume : un peu au niveau de son décolleté, dans son cou et dans ses cheveux. Elle est prête. Elle ramasse le sac qui traîne sur le parquet et franchit la porte de la chambre. Elle enfile une veste noire et prend les clés. Elle se dirige vers la porte d’entrée, revient sur ses pas, entre à nouveau dans la chambre, éteint la radio et ressort. Elle quitte l’appartement et ferme celui-ci à double tour. Elle ne rentrera pas avant tard dans la soirée. Elle ne fera pas de pause déjeuner mais reprendra sûrement un café ou deux, avant une part de tarte dans l’après-midi. Elle ira ensuite l’attendre à la gare. Elle y restera longtemps. Elle ignorera le regard des gens autour d’elle. Elle prétendra recevoir un message venant de lui. Elle partira alors de la gare et rentrera dans le même restaurant que la veille. Elle mangera seule mais aura l’air de ne pas l’être. Elle sourira plusieurs fois dans la soirée. Elle ne pensera pas à sa dure journée de travail. Elle ne pensera qu’à lui. Elle règlera l’addition et prendra le chemin habituel. Elle tournera dans une allée et fera soixante-huit pas. Elle s’assoira sur le banc. A nouveau, elle sera seule mais aura l’air de ne pas l’être. Elle restera immobile longtemps, sera glacée par le vent nocturne, et puis le gardien viendra la chercher. Il l’accompagnera hors du cimetière et la reconduira chez elle. Elle ne dira rien. Elle rentrera dans l’appartement, lâchera le sac par terre, se brossera les dents, se démaquillera, se déshabillera, enfilera un pyjama, se glissera dans le lit. Elle allumera la radio, écoutera la chanson une fois, puis éteindra la musique. Elle s’allongera. Elle pleurera un peu. Elle s’endormira. Et demain, elle recommencera. Encore.

Et encore. Et encore. Et encore.

Louise Salle

Copyright © –  2017

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